Je suis né en 1990 en Suisse, et j’y ai fait toute ma scolarité chaotique et ma formation en développement web. Depuis toujours, je me suis senti en rupture profonde : avec quoi exactement, je ne saurais le dire. Un peu tout en réalité. Rien ne m’attirait dans ce que proposait le contrat social, tout me semblait extrêmement plat et ennuyeux, empreint de fausseté, conçu pour nous couper de notre vraie nature, un peu à l’image de cette architecture moderne faite de vitres et de blocs de béton qui dénaturent de plus en plus les paysages suisses. Depuis mon plus jeune âge, la composition musicale, l’écriture de textes, et la réalisation d’images a été un échappatoire, une tentative de me connecter à d’autres aspects plus profonds de notre culture. En quelque sorte, la création artistique a toujours été pour moi la manière de créer le monde plutôt que de le subir.

Depuis longtemps, j’ai voulu éviter les environnements sans foi ni racines. Et au départ, je me suis projeté à l’autre bout du monde ; des relents du tiers-mondisme ambiant qui nous est inculqué dans les pays francophones, sans doute. C’est suite à deux voyages en solitaire hors du continent européen (un volontariat à Madagascar pour installer et réparer des ordinateurs dans des bureaux et des écoles en 2013, et un séjour touristique de trois semaines au Québec) que j’ai compris ce qui était ma nature – et ce qui ne l’était pas – et que j’ai eu un profond souhait de me reconnecter à l’Europe et à l’âme européenne (non pas au sens de l’Union Européenne, ce supra-état qui nous fait crouler sous les taxes et les réglementations, mais au sens de l’Europe en tant qu’aire culturelle et civilisationnelle). Cela impliquait une rupture totale avec la culture des autres continents, et avec une certaine forme de divertissement globalisé dans lequel j’inclus la pop culture, la télévision et l’art moderne déconstruit, afin de pouvoir effectuer une introspection sur moi-même et mes propres buts. Encore aujourd’hui, je ne regarde pas la télé, je ne regarde pas de films, et je ne regarde pas de séries, au sens mainstream (TV ou Netflix). Le contenu que j’écoute est sous forme de podcasts, de lives et de documentaires sur YouTube ou sur d’autres plateformes similaires.

Ce rejet de la culture mainstream et subventionnée ne s’est pas fait en moi par militantisme, mais par pur désintérêt, préférant attribuer mon temps de cerveau disponible à des créations de niche, plus proche de ma culture, de mes origines, de mon « village ». Je me suis intéressé très tôt au heavy metal, musique qui a l’avantage de couper le bruit indésirable dans les bureaux et dans les transports publics.

C’est d’ailleurs durant le travail, alors que j’écoutais une diffusion de musique metal sur le regretté site internet Plug.dj, que j’ai découvert la scène black metal. Ce fut une révélation pour moi. Ce style de musique extrême, aux yeux et aux oreilles des profanes qui ne l’ont pas exploré, a une connotation sataniste, avec l’imagerie de musiciens qui égorgent des chèvres dans des caves et boivent leur sang en se peinturant le visage de noir et de blanc, et qui ont une fascination pour la mort et le suicide. C’est vrai pour une partie de la scène black metal, mais pour la majorité des groupes il en est autrement. Pour la plupart des musiciens évoluant dans ce style, il s’agit d’une musique fortement connectée à la nature des pays froids (les pays nordiques, la montagne, l’Europe en hiver etc.), et donc, à une nature qui est proche de nous. Cela m’a été particulièrement flagrant lors de randonnées vers les Chutes de la Rèche (Valais, Suisse), et dans les Gorges de Covatannaz près de Sainte-Croix (Vaud, Suisse) : le bruit de l’eau dans la cascade, l’obscurité provoquée par les roches et des arbres, les courants d’air, le terrain extrêmement accidenté prompt aux chutes mortelles… L’atmosphère et la sonorité de ces lieux correspondait totalement à l’atmosphère voulue par le black metal (chutes de la Rèche) et le pagan metal (gorges de Covatannaz). Cette musique était le son de la nature hostile où le troupeau de citadins qui suit la mode et les dernières tendances ne s’aventure pas. C’était le son d’un safe space. Être capable de supporter l’écoute d’une chanson entière de black metal, c’était un peu comme être capable de passer un col à pied dans les Alpes : cela vous mettait dans une espèce d’élite.

Cette révélation, qui a eu lieu autour de 2014-2015, m’a fait découvrir tout un Univers, qui existait dans notre belle Europe mais dont je n’avais jamais eu connaissance : notre histoire celte, germanique et romaine, les festivals de reconstitution médiévale ou du XVIIIe siècle, et surtout le druidisme et les mouvements néo-païens. Car, en effet, le black metal, le pagan metal et le folk metal sont souvent écoutés ou interprétés par des gens s’intéressant à des sujets comme l’histoire européenne, les univers d’héroïque-fantaisie, la mythologie antique, les créatures surnaturelles, ou les jeux de rôle (RPG). Je vous expliquerai prochainement la genèse du projet Bards in Exile (Bardes en Exil) et pourquoi ce choix de ce pseudonyme « Barde ».

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