« Réécrit… Auto-censuré… Mille et une fois, j’ai reformulé certains passages de ce récit pour qu’il rentre dans les clous, et j’en deviens marteau… J’espère pouvoir un jour collaborer et évoluer dans un environnement où règne la liberté de ton, et où cette censure n’est plus nécessaire. »
La chose qui m’a conduit à partir en Europe Centrale était principalement l’absence d’emprise sur le monde réel. Le fait d’avoir l’impression d’être dans l’impasse, dans un pays surpeuplé où tout a été acheté par les plus riches et où plus rien n’est accessible, car même les pauvres sans revenu sont ruinés par les coûts minimaux de l’assurance-maladie, de la redevance TV et surtout des loyers. Un conseil, si vous venez vivre en Suisse, n’essayez pas de vous poser la question de combien cela vous coûte de respirer une bouffée d’air dans le pays: cela vous couperait le souffle. L’impression d’être plus bas qu’un migrant économique ou qu’un travailleur saisonnier dans l’échelle sociale, car ceux-ci acceptent un salaire de misère que nous autres Suisses n’accepterions pas, et donc, ce sont eux qui obtiennent l’emploi. Dans une période marquée par les attentats de Charlie Hebdo, du Bataclan ou de la Promenade des Anglais, alors que la moitié orientale de l’Europe s’était mise à rejeter ces populations – et les gouvernements, notamment en Hongrie et peu après en Italie, commençaient à renforcer leurs frontières – chez nous, on en redemandait. Malgré plus de 25% d’étrangers dans le pays et proche de 50% dans les villes suisses, on en voulait à la pelle, du réfugié climatique à gauche, ou du travailleur saisonnier sous-payé à droite. Les centres d’accueil poussaient comme des champignons, alors que les crèches, les écoles, les hôpitaux, les trains et les autoroutes étaient déjà saturées pour la population locale. Ne pouvant vivre, avec mon bas salaire, que dans des quartiers peu reluisants où la drogue était déjà un problème, tout cela me faisait craindre l’arrivée prochaine de la vague d’insécurité, de camions fous, et de couteaux déséquilibrés sur nos montagnes romandes. Insécurité qui n’est pas encore arrivée à un tel niveau à l’heure où j’écris ces lignes : touchons du bois.
C’est dans ce contexte que je me suis rapproché de deux groupes qui, on ne va pas se le cacher, n’étaient pas les amis des progressistes : le premier était un groupe suisse actif sur le terrain qui proposait des activités culturelles ou métapolitiques, nous l’appellerons ici l’Alpe Suisse ; le second groupe était un forum en ligne francophone plus international, nous l’appellerons ici le Village Gaulois. Le forum du Village Gaulois proposait des solutions aux hommes délaissés par une société progressiste qui ne veut plus d’eux. L’expatriation vers des sociétés encore traditionnelles en Europe Centrale et en Europe de l’Est était l’une des solutions proposées, je reviendrai sur ce point après. Il y avait peu de Suisses sur le forum du Village Gaulois, mais il y en avait suffisamment pour qu’on ait pu se voir à trois ou quatre, et faire des randonnées ou des sorties en raquette de temps en temps.
Encore une fois, je vais éviter de donner le vrai nom de ces groupes car, à cause de certains membres un peu agités, le résultat de tout cela n’a pas toujours été très reluisant. De plus, le forum initial que j’ai nommé le Village Gaulois n’existe plus, et le groupe que j’ai nommé l’Alpe Suisse n’est a priori quasiment plus actif, raisons de plus de ne pas en parler.
Aujourd’hui, les continuations de ces groupes existent toujours dans l’underground; ils ont été amputés de leurs éléments nocifs et sont devenus des groupes de discussion et d’entraide de haute qualité ; ils accueillent de nouveaux membres par le bouche à oreille ou au gré des rencontres, et se voient régulièrement. Il y a désormais des familles, des enfants. Il existe désormais de petits Villages Gaulois dans plein de pays d’Europe, qui font office de groupes de discussion francophone sans sujets tabous ni hypocrisie. Ceux qui m’ont connu dans ces groupes et qui se reconnaissent en lisant ces lignes, je vous salue cordialement. L’existence de l’Alpe Suisse et du Village Gaulois et les événements que nous avons pu faire ont été vitaux pour ma santé mentale et pour celle de nombreux compatriotes.